Aménagements (1)
En début de projet on pense que les placards ne sont qu’un détail.
À la fin on ne pense pas la même chose.
D’abord parce que le budget pour 3 placards d’environ 3 mètres chacun vaut bien quelques sesterces, disons € 2000 à € 3000 pièce (le placard pas le sesterce), voire beaucoup plus suivant les matériaux choisis.
L’été dernier nous avions trouvé autour du chantier un Liard (sou en cuivre) mais hélas aucun sesterce.
Et puis coté placard nous voulions du bois pas de mélaminé de médium, de plaqué ect... du simple bois peint en blanc. Une demande complétement décalée, incongrue, dingue pour certain.
Donc n’ayant pas trouvé l’objet de notre convoitise nous avons décidé de le faire. Et de le faire par la méthode la plus longue possible.
On aurait dû s’en douter en s’attardant d’abord sur l’étymologie du mot placard : "plaque" du hollandais « placken » qui veut dire coller, rapiécer et « ard » synonyme de dur ; et ce fût effectivement de durs collages et rapiéçages.
Voici notre mode d’emploi :
1/ Vous achetez du plancher en pin de 2cm d’épaisseur avec plein de nœud. Ainsi vous êtes sûr qu’il vous faudra passer une sous couche de peinture pour uniformiser.
2/ Vous achetez ensuite 80 mètres de tasseaux de 18mn pour assembler vos étagères. Vous prenez vos tasseaux en bois brut comme ça il faudra les peindre. C’est bien plus long.
3/ Vous achetez de la pâte à bois pour combler les interstices de plusieurs millimètres entre les planches assemblées. Voyez-vous certaines grandes surfaces vendent du plancher avec interstice (mouchette ou élégie). C’est rare mais il suffit de bien chercher. Nous on a eu la chance de tomber dessus. Une méthode plus rapide consiste à acheter un plancher dans une autre grande surface ou de l’acheter bord à bord (comme tous les planchers!!) mais c’est plus cher et bien moins long.
4/ Vous acheter des litres de sous-couches et de peinture blanche. Vous respectez scrupuleusement les informations du fabricant sur les pots et ainsi vous serez certain d’avoir à y retourner. Il nous paraît en effet impossible de respecter le rendement affiché. Ce qui vous permet de tourner un petit peu en voiture dans le pays. Si votre « brico-machin » est sur le chemin de la boulangerie alors ni vu ni connu vous mêlez l’utile à l’agréable. Et c’est une élégante façon de ralentir le chantier.
5/ Vous achetez également du papier de verre et une Makita pour poncer le surplus de pâtes à bois et des couches de peinture (1 sous-couche, 2 couches de finition). Je vous laisse deviner les heures de ponçage à raison de 10m2 de surface par placard et par couche…
6/ Très important : vous peignez dans un endroit humide, froid et étriqué. En effet le froid et l’humidité ralentissent assez bien le processus de séchage de la peinture. Plus il fait froid mieux c’est. Et il a fait particulièrement froid ces temps-ci. C’était presque parfait. Si le taux d’humidité est inférieur à 75% il est fortement recommandé de remplir des seaux d’eau et de les disposer dans votre atelier ou d’attendre les fortes pluies. Pour le coté étriqué c’est très simple, plus c’est étriqué, moins vous avez d’espace et plus vous avez de chances d’entrechoquer les bois peints et donc de les repeindre.
7/ L’endroit doit être mal éclairé. Le manque de clarté vous permet de faire des mauvaises découpes et donc de recommencer.
8/ Ensuite pour vraiment ralentir le processus il faut vous tromper dans les mesures. La largeur d’étagère par exemple, 1 petit centimètre suffit. Vous vous rendrez compte lors de la mise en place de la dernière colonne d’étagère qu’il faut tout re-démonter (re-scier, raboter, repeindre). C’est un point important pour la méthode longue. N’oubliez donc pas votre petit centimètre (de préférence en moins si vous voulez faire encore plus long)
8/ Vous décidez ensuite de rendre la tâche un petit peu plus contraignante : le placard sera entièrement démontable et aucune vis ne le tiendra fixé sur le mur. Vous procédez donc par assemblage des pièces bois au millimètre près. Ça prend du temps.
9/ Vous vous trompez également sur les dimensions des portes. Là encore un petit centimètre suffit même si de notre côté nous n’avions pris aucun risque avec une erreur de 10cm… Le cas échéant il vous faudra donc recommander des portes et des rails. Pour quelques sesterces supplémentaires le tour est ainsi joué et vous aurez rallongé votre délai de 3 semaines.
10/ Vous ne vous faîtes surtout pas livrer les portes ou votre bois. Vous allez les chercher avec une remorque maison équipée d’un essieu de 2CV et une très vieille voiture pour avoir la certitude de rouler doucement. Si vous êtes vraiment bon vous allez les chercher un jour de pluie. Ainsi le taux d’humidité dans le bois est optimum et votre réalisation d’autant retardée.
11/ L’avant dernière recette ne s’invente pas. Ce sont des qualités intrinsèques. Choisissez un artisan, un ami ou un papa bricoleur qui est minutieux, lent, attentionné, tatillon, expert dans le travail du bois, un peu formaliste et qui refait tout à la moindre babiole. Si vous êtes du genre à travailler trop vite il y a des tisanes à base de passiflore. Les premiers signes de ralentissement se sentent à partir d’un litre par jour. Après pour les très rapides il y a le Lexomil (à rajouter au budget placard)
12/ Enfin un petit article pour un gros et sincère remerciement. Un très gros. Je suis impressionné, vraiment, toutes les étapes ont été respectées : du fond du cœur, merci papa pour ce superbe et long long travail.
Et voilà comment 3 moins plus tard les étagères sont posées –difficile de voir le rendu sur les photos mais ça donne une idée:
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